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19 novembre 2024
Ceci est la première partie d’un récit en deux temps sur les hauts et les bas des soins de santé mentale au Canada.
Le 19 novembre, l’ACSM a publié L’état de la santé mentale au Canada 2024, un rapport unique en son genre qui, en se fondant sur des données provenant de l’ensemble du pays, brosse un tableau détaillé de la situation en matière de soins de santé mentale, de traitement des dépendances et de santé liée à l’utilisation de substances au Canada. Dans quelle mesure le Canada soutien-t-il la santé mentale de sa population? La situation est peu reluisante.
Si le rapport dresse un sombre tableau, il met également en lumière les initiatives menées dans chaque province et territoire en matière de soins de santé mentale, de dépendances et de santé liées à l’utilisation de substances. Ces réalisations inspirantes laissent entrevoir les possibilités d’amélioration des soins de santé mentale au Canada et représentent un point de départ pour élaborer une feuille de route vers le changement.
Les statistiques les plus récentes montrent que la santé mentale de la population canadienne est plus précaire qu’avant la pandémie de COVID-19. Pourtant, nous n’allouons que 6,3 % du budget global de santé à la santé mentale, ce qui est bien moins que d’autres pays (15 % en France, 11 % en Allemagne, et 9 % au Royaume-Uni et en Suède). En fait, nous n’atteignons même pas la recommandation évoquée dans notre Stratégie nationale en matière de santé mentale pour le Canada, publiée il y a douze ans, selon laquelle le Canada devrait consacrer entre 7 à 9 % du budget de santé à la santé mentale.
Plus de la moitié (57 %) des personnes âgées de 18 à 24 ans qui présentaient des signes précoces de trouble mental ont déclaré que le coût était un obstacle à l’obtention de services de santé mentale. Par ailleurs, les personnes qui vivent dans la pauvreté sont plus susceptibles d’avoir des problèmes de santé mentale, et celles ayant les revenus les plus faibles déclarent avoir un trouble anxieux à un taux qui est 2,4 fois celui des personnes ayant un revenu plus élevé. Il n’est donc pas surprenant que les Canadiennes et les Canadiens ayant une santé mentale précaire soient 50 % plus susceptibles de vivre dans un logement inadéquat que les personnes qui déclarent avoir une bonne santé mentale
Nous avons interrogé 13 personnes ayant une expérience vécue de problèmes de santé mentale et résidant à différents endroits au Canada, y compris des membres du Conseil national des personnes ayant une expérience vécue (CNPEV) de l’ACSM. Leurs témoignages mettent en lumière certaines des causes potentielles de la crise de la santé mentale, dont la stigmatisation, le racisme systémique, le manque de coordination des soins et les répercussions de la pénurie de logements. Voici certaines de leurs réflexions.
Nous avons beaucoup progressé dans notre façon de parler de la santé mentale et de la consommation de substances, mais des attitudes négatives (la stigmatisation) persistent, surtout en ce qui concerne la dépendance.
Leanne, Ontario: Les gens pensent qu’il est possible de simplement s’abstenir des substances si on le souhaite. Et je vous avoue que c’est aussi ce que je pensais jusqu’à ce que j’en fasse l’expérience personnellement. Sans soins de santé mentale appropriés, non, on ne peut pas cesser d’utiliser des substances. On en a besoin pour survivre dans le monde.
Bill, Saskatchewan: Le problème de la stigmatisation réside en partie dans le fait que les gens pensent que le trouble de santé mentale est un problème de santé, un problème de mode de vie ou un problème de crise. En fait, c’est tout cela à la fois. Je pense que les gens comprennent mal la dépression et le suicide, et c’est dommage. L’un des plus grands problèmes auxquels nous faisons face est le manque de compréhension envers ce que vivent les gens – voilà ce qui les pousse à faire des choix si tragiques.
Sheryl, Manitoba: Je vois souvent de la stigmatisation dans notre communauté. Récemment, j’ai vu un homme dans un autobus qui parlait tout seul d’une voix forte être harcelé et ridiculisé par une autre personne à bord. La stigmatisation existe toujours et elle est très cruelle.
Ailie, Nouvelle-Écosse: Les gens continuent de faire une adéquation entre trouble de santé mentale et faiblesse. Certaines personnes se montrent compréhensives quand on leur en fait part, mais derrière les portes closes, leurs propos sont différents. J’avais un collègue qui parlait ouvertement de ses problèmes de santé mentale et les gens disaient « Il est un peu étrange, non? », ou « Je ne sais pas si je peux compter sur lui ». Comme si les exigences devenaient plus sévères.
Les personnes avec lesquelles nous avons discuté ont relevé que les écarts se creusent en matière de soins et qu’elles n’ont pas accès à suffisamment de soutien pour s’orienter dans les systèmes, trouver un logement et obtenir les prestations d’invalidité auxquelles elles ont droit.
Caroline, Québec – Je suis reconnaissante d’avoir eu accès à une thérapie, mais je n’ai jamais bénéficié d’un soutien stable. J’ai toujours dû passer d’un thérapeute et d’une thérapeute à l’autre en raison de restrictions de temps inutiles.
Lindsey, Alberta – Les soins de crise ou de maintien d’une bonne santé mentale sont les seuls soins disponibles. J’ai pourtant bien souvent été entre ces deux extrêmes au cours de ma vie.
Kerry, Yukon – J’aime me dire que la situation s’améliore, mais je constate que l’aide offerte aux gens varie selon leurs circonstances. Santé mentale et dépendances vont de pair, mais les personnes qui vivent avec la dépendance se font dire : « Viens quand tu ne consommes plus. » Mais ce n’est pas à ce moment-là que les gens auront besoin de soutien. Ils ont besoin de services au moment où une situation est difficile.
Bill, Saskatchewan – Je vois tellement de gens qui font appel à des services proposant des solutions rapides. Je trouve que c’est très déprimant, car ces gens devraient obtenir du soutien qui les aide réellement. Malgré leur grand besoin d’aide, on les laisse tomber.
Le racisme, les préjugés et l’inégalité influencent fortement les idées reçues des gens et le type de soins qui les gens obtiendront.
Sheryl, Manitoba – L’inégalité, la discrimination et les lacunes du système sont immenses. Lorsque j’éprouve de la difficulté avec ma santé mentale, j’ai l’assurance que j’obtiendrai de l’aide aux soins d’urgence et, en raison d’un privilège perçu, j’ai reçu des soins compatissants, y compris une première dose de médicaments et une ordonnance pour me permettre de patienter jusqu’à ce que j’obtienne un rendez-vous chez un ou une médecin. De nombreuses personnes avec lesquelles j’ai travaillé n’ont pas reçu ce type de service.
Kerry, Yukon – Personne ne se réveille le matin en se disant « Je vais avoir une dépendance aux drogues », « Je vais devenir alcoolique » ou « Je vais vivre dans la rue ». Ces gens sont dans cette situation parce qu’ils souffrent d’une manière ou d’une autre, ou peut-être qu’ils ne savent même plus pourquoi.
Non seulement la hausse inquiétante du coût de la vie aggrave la crise de la santé mentale au Canada, mais le manque de logements contribue directement à une santé mentale précaire. Des écarts se creusent dans les systèmes sociaux du Canada; si nous laissons insatisfaits des besoins fondamentaux tels que le logement, la santé mentale n’ira pas en s’améliorant.
Pamela, Colombie-Britannique – L’appauvrissement des soins de santé universels mène à l’appauvrissement des gens, ce qui entraîne d’autres problèmes qui se recoupent, comme la dépendance et l’itinérance. Il est possible de résoudre ces problèmes si le filet de sécurité sociale est intact.
Dans notre prochain billet de blogue, des personnes ayant une expérience vécue d’un trouble de santé mentale feront état de ce qui fonctionne bien dans le système actuel – un message porteur d’espoir pour un avenir meilleur.