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Vous pensez au suicide ou vous vous inquiétez pour une personne proche de vous? Pour obtenir du soutien, appelez ou textez le 9-8-8 en tout temps.
Site national
19 février 2025
Avertissement : le contenu de cette histoire comprend des mentions d’automutilation et de pensées suicidaires, qui peuvent être troublantes pour certaines personnes.
Par Laura
Je m’étais dit que ce serait facile de raconter cette histoire. Je ne sais trop pourquoi, étant donné que c’est la première fois que je la raconte. Mais, alors que je repoussais sans cesse le moment de commencer à rédiger, j’ai réalisé à quel point s’ouvrir était synonyme de vulnérabilité. Les gens que je connais pourraient la lire, et découvrir pour la première fois certains aspects de ma vie. Alors, je me suis demandé si je voulais vraiment m’exposer de la sorte. En fin de compte, je trouve important de raconter les histoires comme la mienne, parce qu’elles encouragent des personnes qui souffrent à demander de l’aide et en aident d’autres à comprendre ce que vivent leurs proches, ce qui est aussi important. Alors voilà, je me lance.
J’ai commencé à me mutiler (à m’infliger des blessures) à 12 ans, un âge courant pour l’apparition de comportements d’automutilation1. Je me faisais intimider à l’école (une cause fréquente de ces comportements2), j’étais rejetée par presque tout le monde de mon niveau scolaire et les autres élèves me harcelaient verbalement chaque fois que nous étions à l’extérieur de la classe (avant et après l’école, à l’heure du dîner et pendant les récréations).
Je ne savais pas quoi faire avec toute la douleur que je ressentais. Je n’avais aucun recours, ou du moins j’avais l’impression de ne pas en avoir. Je pensais que les adultes dans ma vie se rendaient compte de ce qui se passait et allaient faire quelque chose. Je n’étais pas moi-même et on me disait que j’étais « mauvaise », mais personne ne me demandait ce qui se passait. J’avais l’impression que tout était ma faute, que j’étais une mauvaise personne et que je méritais ce qui m’arrivait, alors je gardais tout en moi. J’avais le sentiment que je ne pouvais en parler à personne et que je ne pouvais rien y faire. Je n’avais de contrôle que sur moi et, comme je n’arrivais pas à composer avec la douleur émotionnelle que je portais, j’ai commencé à me mutiler. Je frappais le haut de mes cuisses jusqu’à ce qu’elles soient couvertes de bleus parce que la douleur physique était réelle – cette douleur était un moyen de penser à autre chose que la douleur émotionnelle que je ressentais. Je pouvais regarder les bleus et me dire : « Tu vois cette douleur? Celle-là, elle est réelle. » C’est devenu une façon d’exprimer ma douleur émotionnelle.
Et ça fonctionnait. Ou du moins, c’est ce que je croyais, parce que j’étais capable de ressentir autre chose, quelque chose de réel que je pouvais voir et qui pouvait guérir. J’ai donc continué à faire ça chaque fois que je souffrais ou que je sentais que je n’avais aucun contrôle sur ce qui se passait autour de moi. Je n’avais jamais entendu parler d’automutilation (c’était avant l’Internet). Je pensais bien être la seule à me sentir ainsi et à faire ce que je faisais, ce qui ajoutait à la honte que j’éprouvais déjà.
Au secondaire, j’ai commencé à frapper les murs; pas pour les abîmer, mais pour me blesser les mains. Je voulais les briser, pour traduire mon sentiment d’être brisée. La douleur physique était une façon d’interpréter la douleur émotionnelle et de m’en libérer. Aujourd’hui, je me rends compte que, même si je pensais que ça m’aidait, ce n’était pas du tout le cas.
J’ai commencé à me couper quand j’avais 16 ans. C’était une nouvelle manière d’évacuer la douleur que j’enfermais en moi. Au lieu des bleus, le sang et les cicatrices devenaient l’expression tangible de ma souffrance psychologique. De plus, la douleur physique provoquait une poussée d’endorphine. C’était une autre façon d’obtenir un soulagement, même s’il ne durait pas longtemps.
À 17 ans, j’ai gravé les mots « Je me déteste » sur ma jambe. Quand j’ai eu fini et que j’ai vu les mots saigner, j’ai paniqué. J’ai réalisé que l’été approchait et que tout le monde les verrait. J’ai nettoyé et pansé ma jambe, et j’ai porté des pantalons tout l’été (de même que l’été suivant, en attendant que les cicatrices s’estompent) – même les jours les plus chauds. Je voulais que personne ne les voie. Je ne me mutilais pas pour attirer l’attention. Je le faisais pour tenir le coup. C’est aussi pour cette raison que je n’ai jamais vraiment parlé à qui que ce soit de l’épreuve que je traversais. En fait, la seule fois où j’ai décidé d’en parler, la personne s’est mise très en colère. Elle a crié contre moi, elle est partie et nous n’en avons plus jamais parlé. Je sais maintenant qu’elle a réagi ainsi parce qu’elle était fâchée que je me sois blessée et elle ne savait pas quoi faire de cette information; elle avait peur. Mais cette situation m’a amenée à ressentir encore plus de honte. Je n’en ai parlé à personne d’autre et je n’ai pas arrêté de me mutiler.
À travers tout ça, je ne voulais pas mourir, je voulais juste ressentir quelque chose. Le lien entre l’automutilation et le suicide est complexe : l’automutilation peut mener au suicide et les personnes qui tentent de se suicider sont susceptibles de s’être déjà mutilées3. Il y a des gens qui affirment s’infliger des blessures précisément pour éviter les comportements suicidaires4, tandis que certaines études montrent que les personnes qui se mutilent présentent un risque important de manifester des comportements suicidaires3,5.
Au début de la vingtaine, j’ai cependant reçu un diagnostic de trouble dépressif, en partie à cause de mes pensées suicidaires. Dans un sens, ce diagnostic a été utile : il m’a poussée à obtenir de l’aide. Ça a été une démarche longue, lente, et pas du tout linéaire, ponctuée de hauts et de bas, de pas de côté et de pas en avant. Peu à peu, j’ai appris à reconnaître mes émotions et les raisons qui s’y rattachent, et à savoir quand demander de l’aide. J’ai également trouvé d’autres façons de composer avec mes émotions et de les exprimer, notamment en les verbalisant. Maintenant que j’ai accès à des soins de santé mentale et que je connais de meilleurs moyens d’exprimer mes émotions, j’ai moins tendance à penser à l’automutilation, et la dernière fois que je suis passée des pensées aux actes remonte à plusieurs années. Depuis ma vingtaine, j’ai pensé deux fois au suicide lors de périodes de dépression sévères où j’étais à mon plus bas, mais je suis allée chercher de l’aide pour ne pas concrétiser ces idées. Tout le monde n’a pas cette chance.
L’automutilation est le seul aspect de ma santé mentale que j’ai gardé secret. J’en parle maintenant parce que je sais que d’autres personnes souffrent et éprouvent de la honte. Raconter mon histoire est ma façon de leur dire « Je te vois. » C’est aussi un témoignage pour aider les gens qui connaissent une personne qui se mutile. Je veux faire comprendre aux gens que l’automutilation n’est pas un moyen d’attirer l’attention, mais ça peut être une façon de demander de l’aide lorsqu’on ne sait pas comment s’y prendre. Donc, si vous constatez qu’une personne s’est infligé des blessures, n’hésitez pas à lui demander si elle va bien. Ne lui témoignez pas de colère, même si vous en ressentez. Aborder l’automutilation peut susciter en elle un grand sentiment de vulnérabilité. Gardez l’esprit ouvert, car les gens qui s’infligent des blessures le font pour toutes sortes de raisons.
Pour ma part, l’automutilation me donnait un sentiment de contrôle lorsque j’avais l’impression de n’en avoir aucun. C’était un moyen d’apprivoiser ma douleur émotionnelle en provoquant une douleur physique et en la ressentant. Je vivais aussi de la honte par rapport à ce qui se passait dans ma vie. J’avais l’impression d’être responsable et d’être une mauvaise personne, alors je me punissais, ce qui ne faisait qu’alimenter ma honte. Aujourd’hui, lorsque je vis des moments difficiles, je parle à mes proches ou à ma thérapeute, j’exprime mes sentiments de manière créative par les mots ou l’art, ou je me mets spontanément à danser pour libérer l’énergie anxieuse de mon corps. Je sais aussi maintenant que je dois le reconnaître lorsque les choses sont difficiles et je me dis : « Tu ne vas pas bien aujourd’hui et c’est nul, alors sois gentille avec toi-même. »
Voilà quelque chose qu’on ne fait pas assez souvent : se témoigner de la gentillesse. On fait preuve de gentillesse et de compassion envers les autres, mais on ne s’accorde pas la même bienveillance. On se blâme, on a honte ou on a l’impression d’être la seule personne à ne pas être digne de gentillesse et de compassion. Mais ce que nous sommes, ce que nous avons fait, ce que les gens pensent de nous (que ce soit vrai ou non) : tout ça fait de nous des êtres humains, des êtres merveilleux. Alors, quand vous souffrez, faites preuve de douceur envers vous-même; si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour une personne qui vous aime.
Si vous vous infligez des blessures, sachez ceci : vous êtes digne de recevoir de la gentillesse et du soutien. Si le moment est venu pour vous d’en parler et d’obtenir de l’aide, voici quelques options :
Le 9-8-8 s’adresse à toute personne qui pense au suicide ou qui s’inquiète pour quelqu’un qu’elle connaît. Un intervenant ou une intervenante est là pour vous offrir de l’aide sans jugement. En tout temps, appelez ou envoyez un texto au numéro gratuit 9-8-8, pour obtenir une assistance en français ou en anglais. Pour plus d’information, consultez le site 988.ca.
Vous pouvez consultez des ressources, telles que des guides, s’adressant à toute personne qui souhaite en savoir plus sur l’automutilation (notamment si vous vous inquiétez pour quelqu’un ou souhaitez lui apporter votre soutien), sur le site Web Self-injury Outreach and Support (une collaboration entre l’Université de Guelph et l’Université McGill; en anglais seulement).
1 Gillette, H. 2023. What is self-harm? Healthline. (en anglais seulement)
2 Cleveland Clinic. Self-harm (non-suicidal self-injury disorder). (en anglais seulement)
3 Duarte, T. A., et al. 2020. Self-harm as a predisposition for suicide attempts: A study of adolescents’ deliberate self-harm, suicidal ideation, and suicide attempts. Psychiatry Research. (en anglais seulement)
4 Whitlock, J. & Lloyd-Richardson, E. 2024. How are self-injury and suicide related? Child Mind Institute. (en anglais seulement)
5 Predescu, E & Sipos, R. 2023. Self-harm behaviors, suicide attempts, and suicidal ideation in a clinical sample of children and adolescents with psychiatric disorders. Children. (en anglais seulement)