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Lettre ouverte demandant au ministre fédéral de la Santé de revoir la Loi canadienne sur la santé pour la santé mentale

PAR COURRIEL : [email protected]

L’honorable Mark Holland, C.P., député
Ministre de la Santé
70, promenade Colombine, Pré Tunney, 16e étage
Ottawa (Ontario)  K1A 0K9

Objet : Demande de rencontre pour discuter de l’exclusion des services de soins de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances du système de santé public et universel du Canada

Monsieur le Ministre,

Je vous écris au nom de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM) et des partenaires mentionnés ci-bas afin de solliciter une rencontre visant deux objectifs : reconnaître les efforts déployés jusqu’à présent par le gouvernement pour améliorer l’accès aux services de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances psychoactives; et à discuter de l’exclusion de ces services du système de santé public et universel du Canada et de mesures pour y remédier.

LE CONTEXTE
Le gouvernement du Canada joue un rôle essentiel dans l’établissement de normes nationales sur l’accessibilité, la surveillance, la qualité et l’équité en matière de soins de santé, ce qu’ont démontré plusieurs de ses initiatives, dont la création d’une ligne nationale à trois chiffres pour la prévention du suicide (9-8-8); son appui à la formation d’un Collectif national de normalisation en matière de santé mentale et de santé liée à la consommation de substances, dirigé par le Conseil canadien des normes; et la création de la Commission de la santé mentale du Canada et du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances.

Nous saluons les progrès que le gouvernement du Canada a récemment réalisés en matière de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances par l’intermédiaire d’accords bilatéraux, car ceux-ci permettront aux provinces et aux territoires de fournir davantage de services et d’en élargir l’accès. Toutefois, bien que ces investissements soient bienvenus, ils ne sont pas permanents, non plus qu’ils ne s’accompagnent d’une mesure législative établissant de façon transparente des mécanismes de reddition de comptes quant au financement et à la qualité des services, ou remédiant adéquatement au traitement défavorable réservé aux services de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances en vertu de la loi actuelle. Leur durée étant limitée, les accords conclus ont pour effet de maintenir ces soins en dehors du cadre législatif sur l’assurance maladie. Le financement des soins de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances ne devrait pas être « une option » et ne devrait pas dépendre de la capacité financière des provinces et des territoires.

LE PROBLÈME
En vertu de la Loi canadienne sur la santé, les services de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances sont seulement couverts s’ils sont fournis par des médecins ou dans des hôpitaux et qu’ils sont considérés comme « médicalement nécessaires ». Nonobstant l’objectif d’intégralité et d’universalité énoncé dans la Loi canadienne sur la santé dans le but de promouvoir le bien-être physique et mental de la population, le champ d’application de la Loi – particulièrement dans la définition donnée à « services assurés » et à « intégralité » – couvre principalement les besoins en matière de soins de santé physique, de sorte que le Canada ne parvient pas à satisfaire efficacement les besoins en matière de soins de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances. Il en résulte que le financement public des services de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances est relégué au rang de dépense non essentielle discrétionnaire. Ainsi, soit les provinces et les territoires choisissent de ne pas les couvrir ou d’offrir une couverture partielle insuffisante, soit des entités privées, dont certaines devraient faire l’objet d’une surveillance et d’une réglementation accrues, s’en chargent.

En l’absence d’exigence fédérale relative à la couverture des services de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances, des services assurés par certains gouvernements provinciaux ou territoriaux ne le sont pas ailleurs au pays. Les services non couverts peuvent comprendre le counseling, la psychothérapie, le traitement de l’utilisation de substances et de la dépendance, le traitement des troubles des conduites alimentaires et le traitement du trouble de stress post-traumatique, entre autres. Cette inégalité d’accès à des services de santé mentale ou de santé liée à l’utilisation de substances pour les personnes qui en ont besoin est révélatrice d’une tendance systémique.

À notre avis, le gouvernement fédéral ne respecte pas son obligation, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, d’assurer par l’entremise de la Loi canadienne sur la santé un accès complet et équitable à des services de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances efficaces en dehors des établissements hospitaliers et par d’autres prestataires que les médecins, sous réserve d’une surveillance adéquate. Nous soutenons que ce manquement constitue un non-respect des articles 7 et 15 de la Charte.

Comme l’indique la Loi canadienne sur la santé, la santé mentale est, en principe, une composante importante des normes que nous avons établies en matière de « soins de santé universels ». La Loi indique que ce cadre législatif a pour but « de protéger, de favoriser et d’améliorer le bien-être physique et mental des habitants [et des habitantes] du Canada et de faciliter un accès satisfaisant aux services de santé, sans obstacles d’ordre financier ou autre ». Or, en dépit de cet engagement, une bonne partie des soins de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances au Canada ne sont pas couverts explicitement en vertu de la Loi parce qu’ils sont fournis en milieu communautaire par des prestataires autres que des médecins. La Loi a donc conduit au développement d’une approche fragmentaire en matière de soins et à l’existence de programmes privés à but lucratif.

LES CONSÉQUENCES
Les programmes de soutien en santé mentale et en santé liée à l’utilisation de substances qui sont financés par une province ou un territoire ont presque tous un nombre de places restreint et de longues listes d’attente. Le fait que l’on catalogue ces domaines des soins comme non médicalement nécessaires entraîne leur sous-financement. À moins de pouvoir payer de leur poche ou d’être admissibles à un régime d’assurance privée ou collective offrant des protections limitées, les gens au Canada en sont réduits à recevoir des soins inadéquats, à être pris en charge tardivement, ou à ne pas recevoir de soins du tout. Et c’est leur vie et leur sécurité qui en pâtissent. On observe la plus forte prévalence de problèmes de santé mentale chez les personnes moins nanties ou qui ne bénéficient pas d’avantages sociaux.

Parce que sans accès à des soins volontaires adaptés, de haute qualité, et fournis sur demande dès l’apparition des symptômes, les personnes à risque se retrouvent en état de crise, avec souvent pour seul recours l’hôpital ou une autre mesure d’urgence. Cette situation exerce une pression extrême sur le système de soins actifs. Les hôpitaux ne sont pas toujours en mesure d’aiguiller la patientèle en crise vers des services extrahospitaliers de rétablissement ni même d’assurer un suivi. En conséquence, les délais d’attente s’allongent, les résultats cliniques se détériorent, la morbidité et la mortalité augmentent, et les populations défavorisées ont de moins en moins accès à des soins. Il s’ensuit en outre une surreprésentation des personnes aux prises avec des troubles de santé mentale ou de santé liée à l’utilisation de substances dans le système de justice pénale, dans les refuges et dans la rue.

L’absence d’une mesure législative fédérale enchâssant les services de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances dans la Loi canadienne sur la santé a créé un obstacle structurel systémique qui décourage et empêche la prestation de services complets, uniformes et faisant l’objet d’une couverture comparable d’un régime d’assurance maladie à l’autre au sein de la fédération canadienne. Cela contribue largement à alimenter les crises de la santé mentale, des drogues toxiques et de l’itinérance qui sévissent au Canada. Qui plus est, une population en bonne santé mentale est plus productive et génère moins de dépenses en santé.

LES SOLUTIONS PROPOSÉES
Le gouvernement fédéral a la responsabilité et la capacité de transformer le système de santé mentale. On ne peut tout simplement pas qualifier notre système de santé d’universel ou d’intégral en ce qui concerne la santé mentale et la santé liée à l’utilisation de substances. Il est vrai qu’il existe des soins de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances, mais ceux-ci ne sont pas offerts « selon des modalités uniformes » comme le prévoit la Loi canadienne sur la santé. Seule une partie de la population y a accès. Le Canada a échoué à instaurer un cadre juridique fédéral permettant de traiter les soins de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances de manière équivalente aux soins de santé physique.

Pour remédier à cet anachronisme, nous demandons à votre gouvernement d’agir, soit en modifiant la Loi canadienne sur la santé afin d’y inclure de manière explicite les services communautaires de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances, sous réserve d’une surveillance adéquate et d’une augmentation conséquente du Transfert canadien en matière de santé, soit en créant une loi parallèle sur la santé mentale et la santé liée à l’utilisation de substances qui prévoit des mesures robustes de financement et de reddition de comptes et, au minimum, l’adhésion aux principes de gestion publique, d’intégralité, d’universalité, de transférabilité et d’accessibilité.

Choisir l’une de ces deux options favoriserait l’équité en matière de santé mentale et de santé liée à l’utilisation de substances dans l’ensemble du pays.

L’ACSM vous serait reconnaissante d’avoir l’occasion de vous rencontrer pour discuter des points soulevés dans la présente lettre. Notre équipe est disposée à participer à une réunion conjointe avec les ministres que cette lettre concerne ainsi qu’avec les représentantes et représentants des organismes partenaires qui l’ont signée.

Je vous prie d’agréer l’expression de mes meilleurs sentiments.

Margaret Eaton
Cheffe de la direction nationale, Association canadienne pour la santé mentale
[email protected]

Au nom des signataires suivants :

c. c. L’honorable Ya’ara Saks, ministre de la Santé mentale et des Dépendances
[email protected]

c. c. L’honorable Arif Virani, ministre de la Justice et procureur général du Canada
[email protected]

c. c. Eric Costen, sous-ministre par intérim de Santé Canada
[email protected]